Le 29 octobre 2025, le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a présenté en Conseil des ministres le projet de loi relatif à l’extension des prérogatives, des moyens, de l’organisation et du contrôle des polices municipales et des gardes champêtres.
Ce texte, issu du Beauvau des polices municipales, concrétise une réforme attendue depuis plus de vingt ans.
Il vise à adapter le cadre d’action des polices locales aux nouvelles réalités de la sécurité du quotidien, dans un contexte où la police municipale s’impose comme un acteur incontournable de la tranquillité publique.
🔹 Un texte examiné et encadré par le Conseil d’État avant son adoption
Avant son passage en Conseil des ministres, le projet de loi a été examiné par le Conseil d’État, dont l’avis, rendu le 23 octobre 2025, est désormais public.
La haute juridiction administrative y reconnaît l’ambition du texte et la volonté de mieux articuler les missions des polices municipales avec celles des forces nationales.
Mais elle met en garde contre la complexité du dispositif et ses possibles effets pervers sur la sécurité juridique des procédures.
Le Conseil d’État souligne notamment que le texte instaure un « régime de procédure pénale à géométrie variable », où coexisteraient le régime de droit commun et un régime étendu pour les mêmes agents, selon le type d’infractions constatées.
Un dispositif jugé complexe à mettre en œuvre, nécessitant un encadrement strict et une formation approfondie des personnels, y compris des encadrants et des élus.
🔹 Les six axes majeurs de la réforme
Le projet de loi s’articule autour de six axes structurants :
- Réaffirmer le cadre d’action des policiers municipaux et des gardes champêtres sous l’autorité des maires, en complémentarité avec les forces de l’État.
- Étendre les prérogatives judiciaires, en autorisant les communes volontaires à créer des services de police municipale à compétence judiciaire élargie, sous le contrôle du parquet.
- Fournir de nouveaux moyens technologiques, tels que les drones, les dispositifs de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI), et la généralisation des caméras-piétons aux gardes champêtres.
- Renforcer la formation professionnelle, avec des modules obligatoires de spécialisation et de maintien des compétences judiciaires.
- Faciliter la mutualisation des effectifs entre collectivités, de manière pérenne ou temporaire.
- Améliorer le contrôle et la déontologie, en clarifiant la subordination judiciaire des agents au parquet et en harmonisant les pratiques.
🔹 Des obligations de formation renforcées
Suivant les recommandations du Conseil d’État, le gouvernement a revu à la hausse les obligations de formation.
Les policiers municipaux et gardes champêtres seront désormais astreints à suivre des formations de spécialisation, et non plus seulement autorisés à les recevoir.
Les maires et élus chargés de la police municipale bénéficieront également d’une information obligatoire sur leurs responsabilités hiérarchiques et les limites de leurs pouvoirs.
Cette évolution répond à un constat du Conseil d’État : la montée en compétence des polices locales doit aller de pair avec une exigence accrue de rigueur juridique et technique.
🔹 Une reconnaissance opérationnelle… mais pas sociale
Pour les policiers municipaux, cette réforme représente une reconnaissance tardive mais bienvenue de leur rôle au sein du continuum de sécurité.
Ils saluent la volonté du gouvernement d’avancer, mais expriment un profond regret :
le volet social, et notamment la question des retraites et de la pénibilité, reste totalement absent du texte.
Malgré l’élargissement des missions, la montée en risque et l’accroissement des responsabilités, aucune avancée statutaire ou indemnitaire n’est prévue.
Les policiers municipaux se sentent une fois de plus reconnus dans les textes, mais oubliés dans les faits.
On nous confie plus de missions, mais on ne reconnaît toujours pas la réalité de notre engagement »
Faudra-t-il que les syndicats représentatifs mobilisent à nouveau les troupes pour se faire entendre ? »
La reconnaissance professionnelle passe aussi par la justice sociale.
🔹 Des dépenses supplémentaires pour les communes, sans compensation
Le Conseil d’État attire également l’attention sur les coûts induits par cette réforme : formation, matériel, équipement technologique, gestion administrative…
Il estime que ces dépenses, bien que réelles, ne donneront lieu à aucune compensation, puisque le projet de loi ne constitue ni un transfert ni une extension de compétences au sens constitutionnel.
Les communes volontaires devront donc assumer seules le financement de ces nouvelles prérogatives.
🔹 Des garde-fous juridiques renforcés
Pour lever toute ambiguïté, le texte précise que les agents de police municipale et gardes champêtres, lorsqu’ils exercent leurs missions judiciaires, sont placés sous l’autorité exclusive du parquet.
Cette clarification vise à sécuriser les procédures et à rappeler la distinction entre les missions de police administrative, sous autorité du maire, et les missions de police judiciaire, sous contrôle de l’autorité judiciaire.
🔹 Et maintenant, le Parlement…
Désormais, députés et sénateurs auront à se pencher sur ce texte dans les prochaines semaines.
Gageons que de nombreux amendements seront proposés, débattus et discutés avant son adoption définitive.
La FNPMF espère que le volet social, jusqu’ici absent, fera enfin partie des discussions et qu’il ne sera plus relégué au second plan.
Une fois le parcours parlementaire achevé, restera à franchir le dernier obstacle : le Conseil constitutionnel, qui vérifiera la conformité du texte à la Constitution.
La FNPMF souhaite ardemment que cette fois-ci, la montagne n’accouche pas d’une souris et que cette réforme tant attendue soit à la hauteur des espoirs placés en elle.
🧩 Analyse – Une avancée législative majeure, mais une reconnaissance inachevée
L’adoption de ce projet de loi en Conseil des ministres le 29 octobre 2025 marque une étape décisive dans la structuration nationale des polices municipales.
Elle consacre la montée en puissance d’une « troisième force » de sécurité, locale, ancrée dans le quotidien des citoyens et désormais mieux intégrée au continuum national.
Mais cette modernisation, si nécessaire soit-elle, laisse en suspens les fondations humaines et sociales du métier.
Sans revalorisation salariale, sans réforme des retraites, sans reconnaissance de la pénibilité, le risque est grand de bâtir une architecture institutionnelle solide sur un terrain social fragile.
Moderniser les missions sans reconnaître les hommes et les femmes qui les exercent, c’est prendre le risque de déséquilibrer la réforme avant même son entrée en vigueur.
MĂŞme si les avancĂ©es proposĂ©es vont dans le bon sens, le compte n’y est pas, malheureusement il est fort Ă parier, hĂ©las, que beaucoup s’en satisferont sans contrepartie.
La FNPMF, de son côté, a pris contact avec les ministères concernés afin d’être reçue et de pouvoir réaffirmer, une nouvelle fois, ses propositions pour faire progresser les droits sociaux des policiers municipaux.






